2e session (2021-2022) > Session #2 : Appel à communications

APPEL A COMMUNICATIONS

SÉMINAIRE – Pratiques d’enquête sur les rapports sociaux de race en France

2e session : Novembre 2021 - Février 2022 (EHESS)

Organisé avec le soutien du CESSP

 

Présentation du séminaire

Le séminaire “Pratiques d’enquête sur les rapports sociaux de race en France” est un espace destiné à accueillir les travaux de jeunes chercheurs et chercheuses travaillant sur les rapports sociaux de race en France à l’époque contemporaine. Répondant à un manque constaté de ressources méthodologiques et d’appuis épistémologiques pour appréhender cet objet, il a vocation à rassembler des travaux empiriques contribuant à la réflexion sur les modalités d’objectivation et de conceptualisation de la race en France. Quelles sont les manifestations de la race en France et comment les chercheurs et chercheuses composent-iels en pratique avec ses spécificités ? En revenant sur les impasses, les difficultés et les solutions éprouvées sur les terrains d’enquête, cet espace vise à ouvrir des discussions autour de cette question. 

Par cette entrée par les pratiques d’enquête, l’ambition du séminaire ne se limite pas seulement à l’échange de réflexions autour de considérations méthodologiques. Il vise également à contribuer à une discussion plus large autour des modalités de l’objectivation de la race en France, en tant que “signifiant flottant et en tant que système de classification et de hiérarchisation producteur d’inégalités de positions.

Les dilemmes du travail empirique sur la race en France

Lors d’une première session qui s’est déroulée entre novembre 2020 et février 2021, un ensemble de questionnements autour des pratiques d’enquête sur les rapports sociaux de race a émergé. Il a semblé en effet que les chercheurs et chercheuses, lorsqu’iels abordent cet objet, se trouvaient face à plusieurs dilemmes :

  • La construction de variables fiables, impérative à toute démarche d’objectivation, pose par exemple certaines questions lorsque l’on travaille sur la race en France. Comment prendre en compte les catégories subjectives et l’auto-identification des enquêté.e.s quand on cherche à objectiver leurs positions raciales ? La coproduction des catégories d’analyse est-elle possible, dans un contexte français empêchant leur qualification ? Le caractère fluide, contextuel et relationnel de la race n’empêche-t-il pas même son objectivation ? Quels que soient les objets et les degrés d’expérience des intervenant.e.s, ces questions se sont posées de manière récurrente au fil du séminaire.

  • La perception racialisée du corps du.de la chercheur.se, de son genre et de son statut social a également fait l’objet de plusieurs discussions. Tandis que la question du corps des chercheur.se.s est fréquemment invisibilisée dans la recherche sociologique française, le travail sur la race fait apparaître la centralité de la perception de celui-ci dans le processus de récolte des données. Dans les démarches d’enquêtes ethnographiques, les propos et les situations auxquels accèdent les chercheur.se.s semblent ainsi conditionnés par des assignations raciales produites par les enquêté.e.s. Comment, dès lors, rester “neutre” lorsqu’on n’échappe pas à l’hétéro-assignation ? Comment objectiver les effets de ces assignations sur la collecte des données ? A ces questions, les communications ont souvent répondu par l’inventivité, en entrecroisant les méthodes ethnographiques, et en comparant les situations et les interactions traversées d’enjeux raciaux. Les assignations raciales des chercheur.se.s, contextuelles et mouvantes, s’articulent en effet avec d’autres assignations, de genre, de classe, de sexualité, qui leur laissent des marges de négociation et d’analyse de la production imbriquée des rapports sociaux.

  • A partir de cette perception racialisée de l’enquêteur.rice, sa position et les motivations éthiques de ses choix quant à la relation d’enquête ont aussi été discutées. Pour les communicant.e.s du séminaire, le travail sur la race et le racisme impliquait en effet une réflexion singulière autour de la collecte et de l’analyse des données, située à mi-chemin entre les injonctions disciplinaires à la "neutralité" et les considérations éthiques quant aux effets de l’enquête pour les enquêté.e.s. Que veut dire être “neutre”, et en particulier quand on travaille sur le racisme ? Quelles sont les limites éthiques de la récolte des données ? Les assignations croisées des chercheur.se.s peuvent en effet faire d’elles et eux, tantôt des complices raciaux, tantôt des complices du racisme, parfois même des complices raciaux du racisme, lorsque leurs enquêté.e.s les mettent dans la confidence d’une idéologie raciste. Comment résoudre alors les dilemmes éthiques entre complicité du racisme et perte de données, entre confiance raciale et “trahison” des enquêté.e.s ? 

Inventivité et “bricolages” pratiques

Face à ces dilemmes, les productions théoriques sont multiples et nombreuses. En anthropologie, en sociologie, en histoire ou en philosophie, de nombreux travaux ont permis de conceptualiser le rapport de race et les discriminations, les subjectivations ou encore les représentations qu’il produit. Pour autant, ces travaux, inscrits dans des traditions disciplinaires et nationales variées, sont parfois difficiles à opérationnaliser dans le contexte français. Le caractère multiple et évolutif des modes de construction, de maintien et de recomposition de la race, selon les configurations historiques et nationales, empêche la transposition directe de méthodologies et d’analyses produites dans d’autres champs nationaux et dans d’autres aires géographiques. 

Ces absences d’outils ont eu pour conséquence, pour les participant.e.s au séminaire, le recours à des “bricolages” et à des assemblages permettant de répondre à des questions encore irrésolues par la recherche scientifique française. Ces “bricolages” sont méthodologiques, inventant de nouvelles catégories de l’objectivation. Ils sont aussi des “bricolages” théoriques, quand ils puisent dans des traditions disciplinaires et nationales a priori peu compatibles. Ils sont encore des “bricolages” éthiques, lorsque les chercheur.se.s négocient la relation d’enquête, en jonglant entre “neutralité” et assignations, afin de récolter les données nécessaires. Pour autant,  ce qui apparaît comme des “bricolages” du point de vue de l’épistémologie dominante peut aussi être appréhendé comme une forme d’inventivité de la marge. La faible institutionnalisation et l’absence de tradition disciplinaire consacrée des études de race en France conduit en effet, dans les différentes disciplines, à constituer des méthodologies et épistémologies buissonnières, parfois expérimentales, mais mobilisant également de manière créative une diversité de savoirs et de méthodes issus des sciences sociales.

Orientations pour la 2ème session  

La première session du séminaire a ainsi permis de rassembler des propositions et expérimentations autour des pratiques d’enquête sur les rapports sociaux de race en France. La seconde session entend poursuivre ces échanges, pour continuer à partager, unifier, systématiser ces méthodologies, et pour faire circuler les solutions pratiques face aux difficultés que pose le travail sur la race en France.  

Après avoir adopté un programme axé sur les différentes méthodologies d’enquête lors de la première session, on propose pour cette seconde édition d’organiser le séminaire au fil de séances thématiques. Les propositions de communication pourront donc répondre aux différents problèmes méthodologiques soulevés par l’argumentaire initial du séminaire, disponible à l’adresse suivante : https://seminaire-rsr.sciencesconf.org/resource/page/id/1

En complément des thématiques abordées lors de la première session, les propositions pourront aussi, sans se restreindre à ces suggestions, aborder les thématiques suivantes : 

  • L’approche de la race sous l’angle de l’imbrication des rapports sociaux, dans une perspective intersectionnelle et processuelle qui prêtera attention au traitement des enjeux de racialisation de la classe, du genre, de la sexualité, sur le terrain, dans l’analyse et lors de l’écriture.  
  • Les difficultés posées par le travail sur la blanchité et sur le point de vue non-nommé des processus de racialisation, dans la construction de l’objet, dans la relation d’enquête, ou lors de la récolte des données. 
  • L’analyse des discours politiques sur la race rencontrés sur le terrain, qu’ils soient racistes ou antiracistes, et les obstacles éthiques et méthodologiques à leur analyse en termes sociologiques. 
  •  La manière dont les événements de politisation de la race, à l’échelle nationale ou supranationale, reconfigurent les catégories de l’expérience et de l’analyse, et modifient les démarches d’enquête.
  • Les questions que pose l’écriture scientifique sur la race, qui impliquent de s’interroger sur la position du.de la chercheur.se, sur le choix des catégories utilisées, sur leurs contextes socio-historiques d’émergence, de même que sur la question de la diffusion et du public à qui le.la chercheur.se s’adresse.  
  • L’étude des processus et les régimes de racialisation, replacés dans les contextes historiques et géographiques qui leur sont propres, qu’ils concernent des populations minoritaires et/ou des groupes catégorisés comme blancs en France. Les communications pourront notamment aborder les cas de transformation des frontières raciales, en s'arrêtant sur des groupes pour qui les assignations ont évolué  (juif.ve.s, tsiganes, immigrations sud-européennes...). 
  • L’étude des représentations de la race, questionnant l’évolution des regards portés sur les corps altérisés : c’est-à-dire ce qui est vu, rendu visible et les conditions sociologiques des modes de perception de ces représentations, tels que l’analysent la sociologie de la culture, l’histoire culturelle, l’anthropologie visuelle, l’histoire de l’art ou encore les cultural studies.
  • Les enquêtes centrées sur les liens entre processus de racialisation et fait religieux, soit lorsque la religion intègre la question de la race, ou, dans des contextes de racialisation des pratiques et des discours religieux. 

Modalités de soumission

Tout.e jeune chercheur.se (masterant.e, doctorant.e ou docteur.e) ayant soutenu ou préparant un travail universitaire mobilisant des enjeux liés aux rapports sociaux de race, et soulevant des questions méthodologiques et/ou épistémologiques spécifiques à cet objet, peut envoyer une proposition de communication au séminaire.  

Les propositions contenant un titre et un résumé de communication sont à renvoyer à l’adresse pratiques.enquete.rsr@gmail.comavant le 15 septembre 2021, en format word ou équivalent, accompagnées en deuxième page d’une brève biographie de l’auteur.rice. D’une longueur maximale de 1500 signes hors bibliographie, les propositions devront impérativement s’inscrire dans une réflexion liée aux pratiques d’enquête, et préciser les types de méthodologies interrogées, ainsi que le matériau exploré.

Les propositions de communication feront l’objet d’une relecture anonymisée par le comité scientifique. Les réponses et le programme final seront communiqués autour de la mi-octobre.

Organisation du séminaire

Le séminaire se déroulera en six séances, le jeudi de 16h à 18h, à la fin du 1er semestre 2021 (novembre - février). Il s’articulera autour de thématiques liées à l’étude des rapports sociaux de race, et explorera les différentes méthodes d’objectivation de l’enquête en sciences sociales (entretiens, ethnographie, archives, méthodes quantitatives, comparaison, …).

Chaque séance fera l’objet d’une présentation d’une vingtaine de minutes par deux intervenant.e.s, d’une discussion par le ou la discutant.e invité.e, et d’un débat avec la salle. Les séances se dérouleront de préférence en format hybride, pour permettre un suivi à distance.

Les intervenant.e.s seront prié.e.s de faire parvenir aux organisatrices un support de présentation au format libre (compris entre 20 et 60 000 signes), que celles-ci feront circuler aux participant.e.s du  séminaire avant la séance. Nous les remercions d’avance pour le respect de cette règle qui ne pourra que rendre propice la richesse des discussions. 

Comité scientifique

  • Audrey Célestine, Maîtresse de conférences de science politique à l’Université de Lille (CERAPS)

  • Sarah Fila-Bakabadio, Maîtresse de conférences en civilisation américaine à l’Université de Cergy-Pontois (AGORA)

  • Narguesse Keyhani, Maîtresse de conférences de science politique à l’Université Lumière Lyon-2 (Triangle)

  • Abdellali Hajjat, Professeur de sociologie à l’Université libre de Bruxelles

  • Anne Lafont, Directrice d’études à l’EHESS (CEHTA)

  • Amélie Le Renard, Chargée de recherche en sociologie (CMH/ENS)

  • Sarah Mazouz, Chargée de recherche (CERAPS)

  • Jean-Bernard Ouédraogo, Directeur de recherche au CNRS, Directeur d’études à l’EHESS (LAIOS-IIAC) 

  • Jean-Frédéric Schaub, Directeur d’études à l’EHESS (CRBC)

Comité d’organisation et contact

  • Daphné Bédinadé, doctorante en ethnologie et anthropologie sociale, EHESS (CESSP)

  • Evélia Mayenga, doctorante en science politique, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (CESSP)

Pour toute question ou proposition, merci de nous contacter à : pratiques.enquete.rsr@gmail.com 

Pour les infos pratiques, le programme et la liste des participant.e.s, rendez-vous sur le site du séminaire : https://seminaire-rsr.sciencesconf.org/


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